Grande Peur

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La Grande Peur est un mouvement de peur collective qui eut lieu en France du 19 juillet 1789 au 6 août 1789

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Origine[modifier]

Elle trouve son origine à Paris et se fonde sur les rumeurs de complot aristocratique et l'émotion provoquée chez les paysans par les nouvelles en provenance de Paris.La panique se répandait en effet que des brigands étaient recrutés par l'aristocratie pour parcourir les campagnes afin de couper les blés verts et anéantir ainsi la récolte. C'est l'idée du complot aristocratique. On croyait de plus que les propriétaires nobles « accaparaient » les grains pour les vendre au plus haut prix au moment de la soudure. La peur des brigands se répandit rapidement et les révoltes éclatèrent quasi simultanément : six paniques éclatèrent en Franche-Comté à l'explosion d'une réserve de poudre au château de Quincey, près de Vesoul ; en Champagne, la poussière soulevée par un troupeau de moutons fut prise pour celle d'une troupe de soldats en marche ; dans le Beauvaisis, dans le Maine ; dans la région de Nantes et dans celle de Ruffec, les moines mendiants furent pris pour des brigands.

Troubles[modifier]

Partout pillages, émeutes, attentats, incendies éclataient : à Marseille, à Lyon, à Grenoble, à Strasbourg, à Rennes, à Saint-Malo, au Havre, à Dijon, mais aussi dans les bourgades et les villages campagnards, comme dans le Mâconnais, dont les propriétés seigneuriales furent dévastées par les « brigands », nom qu'on donna aux paysans révoltés. Les paysans s'armèrent et formèrent des milices pour se défendre contre les brigands. Mais, comme ceux-ci n'étaient que le fruit de l'imagination et de la peur, les paysans ne les trouvèrent pas. Rassemblés et agités par la peur ambiante, ils s'en prirent alors aux châteaux et aux abbayes, emportant les grains et brûlant les archives et les terriers (recueil des droits seigneuriaux et féodaux où est consigné ce que chacun doit au seigneur). La « peur » de Ruffec, par exemple, se répandit très vite : commencée le 28 juillet 1789, elle gagna vers le Nord Civray et Châtellerault, vers l'Ouest Saintes, vers l'Est Confolens et Montluçon, et vers le Sud Angoulême, Limoges, Cahors, Brive le 30 juillet, Montauban le 31 juillet, Toulouse et Rodez le 1er août, Lombez le 2 août, Pamiers, Saint-Girons, Saint-Gaudens le 3 août, Foix et Tarbes le 5 août. Des régions entières restèrent cependant à l'abri de cette grande peur : la Bretagne hormis Vitré, l'Alsace, le Languedoc. En Aquitaine, la peur prit le nom de Peur des Anglais.

Voici le récit du curé de Prayssas en Agenais, Barsalou, plus tard curé constitutionnel :

« TERREUR PANIQUE : Le dernier du mois de juillet 1789 jour de vendredi à dix heures du soir, il y eut dans la paroisse grande alerte occasionnée par la peur des Anglois avec lesquels nous étions en paix, et qu’on disoit être au nombre de dix mille hommes, tantôt au bois du Feuga, tantôt à St-Pastou, à Clairac, à Lacépède et ailleurs. On sonnoit le tocsin de toutes parts depuis huit heures du soir. Les gens sages n’en crurent rien, et on ne sonna icy qu’au jour l’alarme fut grande jusqu’à onze heures avant midi. Sur l’envoy consécutif de trois émissaires de Lacépède qui demandoient du secours pour Clairac menacé - disoient-ils - par dix mille brigands, les nôtres y furent, armés de fusils, des faux et des broches. Arrivés à Lacépède ils apprirent que tous les bruits étaient sans fondement. L’alarme s’étoit répandue progressivement. à Bordeaux pendant la nuit de mercredi à jeudi, à Condom le vendredi à midi. À Agen le jeudi soir à 9 heures on sonna le tocsin dans toute la ville où s’étaient rendus de toutes parts quinze mille hommes en armes. Tout fut calme à Agen vers une heure après minuit. En 1690, même alarme dans l’Agenois le 20 aout jour de dimanche sous la dénomination de peur des Huguenots. »

Les paysans, une fois armés, ne rencontrèrent pas de « brigands ». Ils s'en prirent aux châteaux et réclamèrent, pour les brûler, les vieilles chartes sur lesquelles étaient inscrits les droits féodaux dont ils avaient demandé la suppression dans les cahiers de doléances : les « terriers » (pour « livre terrier »). Ils allèrent parfois jusqu'à incendier les vieilles demeures seigneuriales. « La flamme était si grande entre une et deux heures de la nuit que j’aurais pu lire à ma fenêtre à la lueur du feu. Dans vingt-quatre heures ce château bien meublé fut tout pillé et brûlé ; on ne vit plus que des cheminées en l’air et des murs calcinés par le feu ou noircis par la fumée ; il n’y resta rien, pas même des gonds. » a consigné dans ses registres le curé de la paroisse de Bissy-la-Mâconnaise, témoin de l'incendie du château de Lugny en Mâconnais.

Les insurgés se firent peur mutuellement et firent peur aux « aristocrates ». Georges Lefebvre en décrit cinq courants dans son livre « La Grande peur de 1789 ». Il semble n'y avoir eu aucune concertation entre ces divers courants qui furent pourtant animés par des causes et des buts communs. La Grande Peur engendra une révolte armée anti-féodale. En brûlant les châteaux et en détruisant les terriers, les paysans envoyèrent à l'assemblée le symbole de leur souhait : la suppression de la féodalité. C'est pour mettre fin à cette révolte que l'assemblée nationale décréta l'abolition des privilèges le 4 août 1789.

Selon Mary Matossian, l'ergot de seigle - présent en grande quantité dans la farine de l'époque et présentant des caractéristiques hallucinatoires - aurait fait partie des causes de la Grande Peur[1].

Références[modifier]

  1. Matossian, Mary Kilbourne, Poisons of the Past: Molds, Epidemics, and History. New Haven: Yale, 1989 Réédition août 1991, ISBN 0300051212

Bibliographie[modifier]

Voir aussi[modifier]

  • La Grande peur liée à l'an mil.
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